SYNTHÈSE
Ignorée par les médias et les chancelleries internationales
la Mauritanie vit une période d’instabilité croissante.
Tentatives de putschs avortés, formation du mouvement rebelle, Foursan Taghyir (Les Cavaliers du Changement), découverte de caches d’armes à Nouakchott, arrestations de dirigeants islamistes: les signes ne manquent pas.
Dans le discours officiel, le problème de la stabilité
politique tend à être lié à la question de l’Islamisme. La
réalité est bien moins simple. Le régime d’Ould Taya profite de la situation internationale (lutte contre le terrorisme mondial) pour légitimer un déni de démocratie
et accréditer la thèse de l’accointance des islamistes avec
les rebelles, afin de les déconsidérer. Ce faisant, il prend
le risque de conduire l’État mauritanien dans une impasse en le rendant dangereusement dépendant du soutien
américain face à une contestation interne grandissante.
Miser sur le soutien extérieur pour réprimer un soi-disant terrorisme islamiste local qui, à l’heure actuelle, n’existe
guère, relève plus de la fuite en avant que d’une stratégie
réfléchie, et pourrait à terme s’avérer une très coûteuse erreur.
La mouvance islamiste mauritanienne se manifeste de
plusieurs manières: les associations caritatives, les
organisations de prêche (la Jema’at al-Da’wa wa ‘l-Tabligh étant la mieux implantée), et une nébuleuse de
groupuscules politiques proches de l’idéologie des Wahhabites, des Frères Musulmans et de penseurs comme le tunisien Rachid Ghannouchi ou le soudanais Hassan
al-Tourabi. Le faible degré d’organisation politique provient de l’interdiction de constituer des partis politiques d’opposition avant l’ouverture démocratique de 1991 et, depuis, d’une ordonnance relative à l’organisation des
partis dont le pouvoir actuel se sert pour garder les islamistes en dehors du champ politique. Une première
tentative d’unification des différents courants politiques avait eu lieu au milieu des années 1990 et s’était soldée par l’arrestation de ses leaders.